Je vous remercie de m’avoir invité à cette session de rentrée 2023 du CEDPE ; permettez-moi, à cette occasion, de vous exprimer mes vœux les plus sincères de bonne et heureuse année, en formant le souhait que cette année 2023 soit placée sous les signes indissociables de l’apaisement et de la réconciliation au Tchad, et du développement de relations fructueuses entre l’Ambassade de France et la société civile tchadienne.
Le moment est particulièrement bienvenu pour réfléchir ensemble, au seuil d’une année nouvelle, autour du thème de la contribution des sociétés civiles à la prévention des conflits et au renforcement de la paix.
Je ne vais pas, dans le temps qui m’est imparti, vous faire un exposé de doctrine ou vous énoncer une théorie sur le sujet. Je préfère partager avec vous quelques réflexions, et tenter d’éclaircir vos travaux par quelques exemples.
1/ Commençons par les réflexions, j’en soumets deux à votre attention.
La première pourrait se formuler ainsi : « si tu ne veux pas la guerre, prépare la paix ». J’ai volontairement retourné l’adage romain bien connu « si vis pacem, para bellum » : Parce que l’histoire nous offre hélas trop d’exemples de guerres ou de conflits qui se sont déclenchés ou qui ont repris parce que la paix, dans toutes nos exigences, n’avait pas été pensée ni construite suffisamment en profondeur quand elle ne prenait pas la forme d’une vengeance du vainqueur contre le vaincu. L’exemple le plus flagrant sur le continent européen est la paix bâclée de 1919, qui portait en elle les germes de la seconde guerre mondiale. Parce que nous sommes ici, au Tchad, à un moment crucial de construction de la paix, et que le Tchad, sans faire insulte à son histoire et encore moins à ceux de ses fils qui sont morts au combat, a déjà beaucoup donné sur le chapitre de la « préparation de la guerre », et que l’urgence du moment me parait plus que jamais aller à la préparation de la paix. Car la paix se construit et c’est un art plus difficile que celui de la guerre, parce que plus fragile et requérant un travail permanent et en profondeur, en direction des différents acteurs et actrices de la société civile sans lesquels il ne peut pas y avoir d’édifice complet, solide, durable. La seconde réflexion est tirée du Prince, de Machiavel (chapitre XX des Citadelles) : « en sorte que la meilleure citadelle qui soit, c’est de n’être point haï du peuple ». Ce qui nous amène au cœur de notre sujet, c’est-à-dire celui d’un plaidoyer pour une « politique par le bas » : il ne peut y avoir de paix durable, ni de prévention des conflits ou encore de reconstruction de la paix sans contribution d’une société civile forte et structurée. Le moment est particulièrement bienvenu pour réfléchir ensemble, au seuil d’une année nouvelle, autour du thème de la contribution des sociétés civiles à la prévention des conflits et au renforcement de la paix.
Je ne vais pas, dans le temps qui m’est imparti, vous faire un exposé de doctrine ou vous énoncer une théorie sur le sujet. Je préfère partager avec vous quelques réflexions, et tenter d’éclaircir vos travaux par quelques exemples.
1/ Commençons par les réflexions, j’en soumets deux à votre attention.
C’est la façon d’éviter un double écueil :
Celui d’un retour à un état de nature, celui de la guerre de tous contre tous, où chacun règle ses comptes en se faisant justice lui-même ; Celui d’une absorption complète de la société civile, de la liberté d’initiative et de l’épanouissement des personnes dans un Etat totalitaire décidant de tout pour tout le monde et à la place de tout le monde. 2/ Plus concrètement, en quoi la société civile contribue-t-elle à la prévention des conflits et au renforcement de la paix ?
Parce qu’elle suppose une organisation, une structuration du corps social ; c’est le rôle des associations, des syndicats, des avocats, des journalistes, des partis politiques, des défenseurs des droits de l’homme, des églises, qui créent du lien entre les personnes - lien au sens d’un partage de valeurs, au sens d’une communauté d’intérêts – et contribuent à la solidité du tissu social, économique et politique. Dans un passé lointain, les sociétés africaines ont donné d’excellents exemples et des références en matière d’organisation sociale et de régulation des conflits, notamment la charte du Mandé (Kurukan Fuga, 1238). Il ne faut pas perdre le sens de ses traditions, il faut s’en inspirer. Parce que les éléments constitutifs d’une société civile sont un pont indispensable entre les individus pris isolément et l’Etat. Les lanceurs d’alerte également – qu’on se souvienne du rôle joué par la société civile en Guinée à la fin du règne de Lansana Conté dans les années 2007-2008. Une société civile forte et structurée est aussi un moyen de faire face aux abus possibles d’entités multinationales dont les moyens sont supérieurs à ceux des Etats (intérêt des initiatives « publiez ce que vous payez »). La société civile, c’est enfin l’atelier de formation et d’épanouissement de la jeunesse, un lieu de solidarité par la fonction associative. Je vous propose ici de décrire une typologie des fonctions de la société civile :
La structuration du corps social, c’est à dire la fonction incubatrice, à travers l’éducation et l’entrepreneuriat ; La réflexion, les propositions ; La représentation, à travers par exemple le portage de revendications ; La régulation des conflits et la médiation (conflits entre agriculteurs et éleveurs) ; avant de recourir aux tribunaux voire à la force publique, il s’agit de procéder à un règlement pré-conflictuel, opéré par la société civile active à l’échelon local, encore faut-il que ses acteurs soient reconnus et légitimes aux yeux des populations et des groupes d’intérêt concernés, ce qui pose le problème des relations aujourd’hui difficiles entre les associations investies dans la médiation, les autorités traditionnelles et les représentants de l’autorité de l’Etat ; La solidarité nationale et internationale, notamment dans le domaine de la défense des droits de l’homme. 3/ La société civile, c’est le socle, la fondation sur laquelle reposent les sociétés. C’est bien parce que nous sommes persuadés de cet apport irremplaçable des sociétés civiles et que nous sommes conscients de la rapidité des mutations des sociétés des pays africains que la France a décidé d’infléchir sa politique en Afrique subsaharienne à partir du sommet de Montpellier d’octobre 2021 (le Nouveau Sommet Afrique-France) :
Au Tchad, cette refondation de notre politique se traduit de la manière suivante :
Le Groupe de Montpellier, que nous pérennisons en faisant de ces jeunes des interlocuteurs réguliers de nos projets, réunis au sein d’une chambre de réflexion qui nous permet d’échanger systématiquement sur la pertinence de nos projets, En 2023, nous continuerons à conduire des projets et des programmes destinés à structurer et à renforcer les appuis à la société civile :
Le FSPI Tech4Tchad, autour des nouvelles technologies du numérique, Le PISSCA nouveaux acteurs, Le FSPI Jeunesse, notamment pour les villes de province, Le FSPI genre et enseignement supérieur ; Le projet Désinfox, qui vise à sensibiliser les médias du pays aux enjeux et moyens de lutte contre la désinformation et la mésinformation, et à former des journalistes au fact-checking et à la production de contenus de déconstruction de fausses informations. La maison des dialogues, qui offrira un espace moins officiel, plus flexible et plus ouvert que les locaux de l’ambassade de France, L’appui à l’émergence de nouvelles dynamiques entrepreneuriales (les experts comptables, les jeunes entrepreneurs etc…), Les solidarités transnationales entre organisations de sociétés civiles. Mais – et ce sera le mot de la fin – en gardant bien à l’esprit que ce sont aux sociétés civiles africaines de définir leurs références, leur mode de développement – pas de modèle imposé -. Là encore, l’Afrique avait ouvert la voie en 1236, avec la charte de Mandé, alors que l’Europe était en proie à des conflits permanents. On ne peut pas construire et aider à construire le Tchad de demain sans l’intégration de la société civile.