Une équipe de chercheurs du Centre d'Etudes pour le Développement et la Prévention de l'Extrémisme (CEDPE), accompagnée d'une équipe de télévision étrangère, s'est récemment rendue en mission au Lac Tchad, quelques jours avant la résurgence d'affrontements et d'attaques sanglantes de Boko Haram. Grâce au concours des autorités traditionnelles, elle a pu enquêter auprès des repentis de Boko Haram afin de comprendre les motivations d'un basculement dans l'obscurantisme, et l'avenir de ces hommes, femmes et enfants à l'avenir incertain, mais que le gouvernement n'entend pas abandonner. Les "enfants de Boko Haram" Ces jeunes enfants à fleur d'âge sont nés et/ou ont grandi entre les mains de Boko Haram. Ils vivent aujourd'hui dans des camps contrôlés par les autorités tchadiennes et tentent de s'habituer à une nouvelle vie. Selon un rapport du CEDPE consulté par Alwihda Info, "la crise du Lac-Tchad est d’autant plus grave car, cette région semble être abandonnée à elle-même bien longtemps malgré sa médiatisation". Le CEDPE estime que "sans vouloir tout globaliser et tirer à boulets rouges sur les efforts du gouvernement, qu'un seul indicateur, l'éducation, montre l'état de la région". Sur 284 personnes parmi les anciens membres de Boko Haram et leurs familles, seulement 4 personnes sont inscrites à l’école. Le plus haut niveau de scolarité est la 3ème et la personne concernée est en état de décrochage. "Même si cette zone est placée sous le contrôle militaire de l’État tchadien, celui-ci n’a pas assumé d’autres responsabilités importantes comme la santé et l’éducation", souligne le CEDPE. Les comités de vigilance Face à la menace terroriste et à la difficulté des autorités à se déployer partout, les civils de certains villages forment des comités de vigilance. C'est notamment le cas dans le village de Meléa, dans le département de Mamdi. Ces civils n'ont que des armes blanches à leur disposition pour se défendre, et risquent leur vie pour parer à la menace terroriste. L'influence psychologique Boko Haram utilise le mensonge pour embrigader les populations pour arriver à ses objectifs. La secte s’érige en défenseur informel des droits de la population en accusant les gouvernements de démissionnaires de leurs devoirs régaliens notamment la santé et le bien-être social. Selon le CEDPE, la secte Boko Haram fait comprendre à la population que "le paradis n’appartient qu’à ceux qui épousent ses valeurs." Halima Adama, kamikaze avortée de Boko Haram au Tchad Halima Adama est née à Gomirom-Domou. Trop jeune, elle a quitté la classe de CP2 pour se soumettre à un mariage familial forcé. En 2016, elle a rejoint avec son mari le groupe extrémiste de Boko Haram dans le Lac Tchad. Après une courte formation d’endoctrinement et des travaux de cuisine pour le compte des combattants de Boko Haram, on lui donne une mission pour "aller au Paradis". Lors de leur première mission au Lac Tchad, les chercheurs du CEDPE ont bravé les épreuves pour la rencontrer et s’entretenir avec elle. Pourtant, la tâche n’était pas aussi facile car il a fallu passer par plusieurs intermédiaires pour soudoyer et dépenser plus de cent mille francs CFA (140 €) pour la faire venir d’une île lointaine. "J’étais à Boko-Haram avec mon mari, nous, nous sommes mariés il y a quatre ans. Mon mari est cultivateur. Il est né à Gmirom. Nous étions à la pêche et mon mari a décidé que nous rejoignons Boko-Haram. Je ne savais pas que nous partions rejoindre Boko-Haram. C’est lui qui m’a entraîné sans mon consentement", a-t-elle déclaré. La vie post-Boko Haram Plusieurs familles se sont séparées à cause de l’organisation terroriste, explique le CEDPE. Certains couples connaissent le divorce, et la méfiance s’installe entre les parents même si tout semble être normal. La tranche d’âge la plus importante des personnes qui ont fait l'objet de l'enquête se situe entre 25 et 45 ans. "Ce qui montre clairement que c’est la force de l’économie qui était contrôlée par Boko-Haram", analyse le CEDPE dans son rapport. (Deuxième partie du reportage à suivre)