Comment en sommes-nous arrivés à ce stade ? Quelles sont ses origines ? Est-il bénéfique ? Si oui, à quel niveau ou dans quel secteur ? Qui tire les ficelles ? N’est-il pas un obstacle pour la construction d’une vraie nation ?
D’abord, il y a une mauvaise interprétation de ce que c’est le « régionalisme ». Ce concept ou quoi qu’il soit, n’a rien à voir avec la perception du mot qu’on observe au sein de la société tchadienne. Il est défini par le dictionnaire comme une « tendance à favoriser, tout en maintenant intacte l’unité nationale, le développement autonome des régions et à en conserver la physionomie, les mœurs, les coutumes, les traditions historiques ».
Ensuite, la conception à la " tchadienne " du régionalisme est tout, sauf une pratique acceptable. Il est caractérisé par un repli identitaire sans précédent (sans vouloir être trop alarmiste). À telle enseigne que, si vous allez dans une entité publique donnée, vous remarquerez que ce n’est pas les deux (2) langues officielles qui sont parlées, mais d’autres langues ou dialectes. Bien évidemment, il n’est pas interdit de parler sa langue. Mais ce qui est déplorable, c’est le fait de s’asseoir et parler votre langue avec d’autres pendant qu’un collègue qui partage un bureau avec vous est à côté. Le secteur privé n’est pas épargné par la vague ! Que ça soit dans les entreprises, les organisations de la société civile etc.
Cependant, comment nous avons atteint ce niveau ? La réponse est que nous (génération Actuelle) ignorons totalement d’où viennent ces mentalités, sans vouloir nous dédouaner. Mais, ce qui est avéré, est que nos aînés des années 70 ayant grandi dans les quartiers tels que klemat, Mardjandafack, Arbout Soulback… nous disent fièrement qu’ils n’ont pas grandi dans ce schéma de repli identitaire et leur passion ou amour de la Rumba (musique congolaise) sans considération ethnique, religieuse ou suprémaciste le prouve valablement.
Alors, pourquoi c’est à l’ère de la modernité (21e siècle) que le repli identitaire gagne du terrain au sein de la société sous l’impuissance des observateurs. Le célèbre chanteur Youssouf Ndour avait dit : « nous avons compris que la diversité des langues et des traditions n’est pas un obstacle, mais une richesse ».
Donc, qu’est-ce qui peut expliquer ? En partie la politique y est pour quelque chose où la raison qui pourra être à l’origine de ce maux qui gangrène la société tchadienne. Prenons quelques exemples pour illustrer. Si une personne hors du système (c’est-à-dire une personne qui n’est pas connue du monde politique tchadien) est nommée à la tête d’une institution publique quelconque. Le plus intellectuel pose la question de savoir : il est de quel parti politique ? Sinon, ce sont les questions rétrogrades qui prennent le dessus : il est de quelle région ? Quelle ethnie ? Quel sous-groupe ? " Hou dah djim ? “ C’est un Doum ? Et ainsi de suite.
Malheureusement, même certains quartiers de la ville de N’Djamena ne sont pas épargnés. Les habitations sont aussi configurées de telle manière qu’on peut aisément déterminer qui habite les quartiers SUD et qui habitent les quartiers NORD. Pis encore, souvent même dans cette subdivision NORD-SUD des quartiers, il existe aussi de regroupement à caractère ethnique. D’où, on s’amuse à dire c’est le quartier de tel ou tel groupe ethnique.
Les réseaux sociaux aussi ne sont pas à l’abri. Il suffit qu’un scandale de détournement des deniers publics par exemple surgisse sur la toile. Et vous verrez malheureusement les avis ne sont pas objectifs pour tout observateur. Ainsi, les dénonciations, les prises de défense, les critiques négatives ou positives dépendent de qui est le SUJET ? Si c’est un de nôtre on le défend bec et ongles indépendamment de sa forfaiture. Les observateurs que nous sommes, on se trouve dans une situation de conditionnement sans précédent. Si vous dénoncez, c’est parce qu’il n’est pas un des vôtres. Et à l’inverse, il faut défendre le nôtre malgré ses manquements.
Pour éradiquer ce phénomène et espérer bâtir une nation où chaque tchadien peut se sentir fier. Il faut le concours de tout le monde et de l’éducation comme fer de lance pour y remédier.
ABDELSALAM Younous Moutah
Politologue et consultant au CEDPE.
ABDELSALAM Younous Moutah
Politologue et consultant au CEDPE.